La postérité, et en particulier l'époque romantique, ont vu en Dom Juan un homme désabusé, en décalage avec son époque, qui cherche désespérément l'accomplissement et va à sa propre mort. Cette évolution du mythe nourrit aussi la vision qu'on a aujourd'hui du héros de Molière.
Qui est donc Dom Juan ? Son portrait est fait par son serviteur Sganarelle dès la première scène : un homme abominable, sans mœurs et athée par-dessus le marché, qui ne respecte rien ni personne hormis lui-même. Un homme libre, qui se détache volontairement et quel qu'en soit le prix de toute obligation sociale.
Dom Juan se caractérise aussi par sa méchanceté : c'est un « grand seigneur méchant homme » (I, 1). Il aime en quelque sorte de façon sadique faire souffrir les autres. Il méprise la douleur de Done Elvire délaissée et humiliée, ou celle d'un Pierrot qui tente de préserver sa Charlotte.
Don Juan paraît rejeter les règles de la vie sociale : il refuse la famille, ridiculise le mariage. Il affirme sa liberté et ne veut obéir qu'à son désir et à la nature. Il semble par ailleurs ne pas tenir compte des classes sociales, et accepte de parler avec un marchand, son valet, voire un pauvre.
Dom Juan : un libertin
Le portrait que Sganarelle fait de son maître n'est guère positif. Il le présente d'abord comme un libertin qui ne respecte pas le mariage : "épouseur à toutes mains".
Selon lui, l'inconstance est la seule condition à respecter pour être heureux en amour. Cette doctrine est explicite dans la phrase : "tout le plaisir est dans le changement". D'ailleurs, il ne parle jamais d'une seule femme. Il emploie le pluriel pour désigner ses conquêtes amoureuses : "toutes les belles".
Dom Juan a épousé Dona Elvire mais l'abandonne aussitôt et enlève une jeune femme promise à un autre. Mais la femme trahie le retrouve et le menace. Quant à sa nouvelle proie, elle lui échappe.
La cible première de Molière dans la pièce est la religion. Dom Juan se moque des rites chrétiens, et particulièrement des coutumes chrétiennes comme l'aumône (scène du pauvre). Il dénonce ces pratiques comme étant hypocrites. Enfin, Molière peint une société hypocrite, attachée aux apparences.
Don Juan défend la thèse de l'inconstance dans l'amour. Il ne recherche que la conquête et ne trouve pas de satisfaction dans l'attachement. Ainsi, il se présente comme un libertin dans ses idées et dans ses mœurs.
Molière décrit lui-même son héros comme un "grand seigneur méchant homme". Mais plus que la luxure de Dom Juan, c'est sa relation à Dieu qui choque, la façon dont il en parle. On peut presque parler d'athéisme. Dom Juan en tout cas défie Dieu, il blasphème.
Si la pièce de Molière avait uniquement pour but de dénoncer la démesure d'un athée, Dom Juan trouverait en face de lui des défenseurs conséquents de la religion, comme Tartuffe a eu en face de lui Cléante. Or le défenseur le plus présent est... Sganarelle !
II. Une dimension tragique Dom Juan, héros tragique Par son entêtement à posséder, à séduire, le comique devient tragique et Dom Juan avance inexorablement vers sa perte. Il y a une certaine fatalité dans son cheminement, du libertin, à l'homme châtié.
On peut évoquer un dénouement tragique, non seulement en raison de la mort de personnage titre, mais aussi parce que Don Juan épouse jusqu'à la fin sa destinée. Son châtiment est d'ailleurs annoncé tout au long de la pièce. De même, le héros est soumis à un dilemme, se repentir ou mourir.
Molière, Dom Juan (1665) Dans la première scène de la pièce, Sganarelle fait le portrait de son maître à Gusman, écuyer d'Elvire.
Les thèmes abordés : l'infidélité, la trahison, le mensonge, le mépris, le blasphème, la séduction, l'amour, le ridicule.
L'impétuosité de Dom Juan lui vaudra la mort par le Ciel, par l'entremise du bras d'une statue de pierre. En cela, il est représentatif d'une tragédie classique : la pièce se termine avec la mort du personnage principal.
Il vit à l'écart de la société des hommes, est constamment en fuite (face aux frères d'Elvire par exemple), et représente un danger pour la société dans la mesure où il séduit toutes les femmes, même celles promises à d'autres que lui. Il transgresse aussi les règles imposées par son rang.
Il méprise le sacré, comme lorsqu'il dit au pauvre : « pour l'amour de l'humanité » (III, 2, p. 9-72, l. 39) alors que la phrase habituelle est « pour l'amour de Dieu ». A l'inverse, Sganarelle croit en Dieu et craint la fureur divine si Dom Juan ne se repent pas.
A la différence des mythes antiques issus de la mythologie (Orphée), Don Juan est un mythe moderne qui tire sa source dans l'histoire d'un seigneur espagnol : Don Juan Tenorio. Ce seigneur libertin abandonna la fille d'un commandeur, après l'avoir déshonorée, et tua son père au cours d'un duel.
Bluwal, Stock, 1974). Les plans en contre-plongée, mettant le Commandeur en position de supériorité, annoncent le châtiment divin. Alors que le séducteur n'a cessé de promettre sa main sans la donner, ici, il la donne délibérément, ce que le gros plan souligne très nettement. Dom Juan meurt.
La postérité, et en particulier l'époque romantique, ont vu en Dom Juan un homme désabusé, en décalage avec son époque, qui cherche désespérément l'accomplissement et va à sa propre mort. Cette évolution du mythe nourrit aussi la vision qu'on a aujourd'hui du héros de Molière.
Résumé Sganarelle, riche bourgeois veuf qui n'écoute que ses propres ambitions égoïstes, refuse de marier sa fille unique Lucinde car il serait forcé de payer une dot considérable à son gendre (qui deviendrait également l'héritier de la fortune de Sganarelle). Lucinde fait semblant d'être malade.
Don Juan est un libertin. Pas seulement un consommateur de plaisirs charnels mais aussi un libre penseur, affranchi de religion et de métaphysique, et qui remet en cause tout dogme établi. N'oublions pas que libertin vient du latin "libertinus" comme l'esclave qui vient d'être libéré.
Dom Juan doit de l'argent à Monsieur Dimanche, venu le lui réclamer. Il n'a aucune intention de régler sa dette mais consent à le recevoir. Face aux créanciers, il prétend avoir « le secret de les renvoyer satisfaits sans leur donner un double ».
Don Juan est mort de la main du Commandeur. Don Juan n'en finit pas de mourir, de siècle en siècle, injustement assassiné par la justice divine.